Le dossier criminel des parents bénévoles pas toujours vérifié

Le dossier criminel des parents bénévoles pas toujours vérifié

Le Devoir | Marco Fortier | 23 septembre 2019

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir | Un article de la Loi sur l’instruction publique oblige les commissions scolaires à s’informer au sujet des antécédents judiciaires des parents bénévoles.

Des parents de l’école primaire Saint-Pierre-Claver, située dans le Plateau-Mont-Royal, ont eu toute une surprise en ouvrant le sac à dos de leur enfant, au cours des derniers jours : un formulaire les invitait à révéler leurs antécédents criminels s’ils voulaient accompagner des élèves lors de sorties scolaires.

Le document précisait que les parents devaient autoriser la Commission scolaire de Montréal (CSDM) à transmettre leurs coordonnées à la police pour qu’elle confirme l’absence de dossier criminel — toujours s’ils souhaitaient travailler bénévolement avec les élèves de l’école.

Des parents se sont inquiétés : pourquoi la CSDM s’intéresse-t-elle à ce moment précis au dossier criminel des adultes qui gravitent autour des enfants ? Plusieurs parents ont indiqué qu’ils n’avaient jamais entendu parler d’une telle politique en plusieurs années dans le milieu scolaire. Plusieurs ont confié au Devoir qu’ils ont eux-mêmes participé à de multiples activités scolaires avec des élèves sans jamais s’être fait questionner au sujet de leurs antécédents judiciaires.

Vérification faite, un article de la Loi sur l’instruction publique oblige les commissions scolaires à s’informer au sujet des antécédents judiciaires des parents bénévoles. Cet article a été adopté en 2006, mais la mise en œuvre de la politique varie d’une commission scolaire à l’autre, et même d’une école à l’autre, indiquent nos sources.

« La CSDM fait des rappels aux directions d’établissement tous les ans à cet égard », indique Alain Perron, porte-parole de la plus grande commission scolaire du Québec.

« Il est possible qu’il y ait eu des oublis… C’est ce qui expliquerait que certains parents n’ont pas entendu parler de cette pratique », précise-t-il.

Les enseignants doivent aussi se soumettre à une vérification de leurs antécédents criminels. Le milieu scolaire n’est pas le seul à prendre ce type de précaution : les éducatrices en service de garde et les bénévoles appelés à côtoyer régulièrement les tout-petits, que ce soit pour siéger au conseil d’administration d’un centre de la petite enfance ou pour faire un stage, doivent aussi obtenir le feu vert de la police, précise Claude Deraîche, porte-parole de l’Association québécoise des CPE.

Le but est évident : éviter que des mineurs se trouvent en présence d’adultes susceptibles de leur faire du mal.

« Manque de rigueur »

La commissaire scolaire Imane Allam, représentante des parents du primaire à la CSDM, déplore un « manque de rigueur » dans la vérification des antécédents des parents bénévoles. « Il y a des écoles primaires où des parents bénévoles prennent en charge des groupes d’enfants sur une base régulière, à l’intérieur de l’école, pour des activités parascolaires le midi ou après les classes. Ces parents sont seuls avec les enfants, sans qu’un employé de l’école soit sur les lieux. Il faut qu’on vérifie leurs antécédents avec une certaine rigueur », dit-elle.

Une subtilité de l’article de la loi explique peut-être l’application aléatoire de la directive : les personnes « régulièrement en contact » avec les élèves doivent l’objet de vérifications.

« À la demande de la commission scolaire, les personnes qui oeuvrent auprès de ses élèves mineurs et celles qui sont régulièrement en contact avec eux doivent lui transmettre une déclaration qui porte sur leurs antécédents judiciaires afin que la commission scolaire s’assure qu’elles n’ont pas d’antécédents judiciaires en lien avec leurs fonctions au sein de cette commission scolaire », indique l’article 260.0.2 de la Loi sur l’instruction publique.

« À cette fin, la commission scolaire peut agir sur la foi de cette déclaration ou encore elle peut vérifier ou faire vérifier cette déclaration », précise la loi.

Type de crime

La CSDM indique acheminer au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) environ 700 demandes de vérification par année pour des bénévoles (tous types de bénévoles confondus, pas seulement les parents). La commission scolaire indique que ces vérifications de bénévoles ne lui coûtent rien. Combien de ces requêtes entraînent un refus d’intégrer un bénévole dans une activité scolaire ? La CSDM dit l’ignorer.

Chose certaine, « il doit y avoir un lien entre l’antécédent judiciaire et la présence auprès des enfants. Un dossier criminel n’entraîne pas automatiquement l’exclusion d’un parent », explique Alain Perron, de la CSDM.

Informée de ce dossier, la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ) a indiqué qu’elle allait se pencher sur cette question. « C’est effectivement ce qui est prévu par la loi [la vérification des antécédents judiciaires des parents accompagnateurs] et c’est vrai que ce n’est pas appliqué partout de la même façon. Nous n’avons jamais consulté les parents sur cette question, mais nous allons ajouter cela à notre liste de sujets de consultation à faire », indique la FCPQ dans un courriel au Devoir.

La Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB), dans l’ouest de Montréal, vérifie « systématiquement les antécédents judiciaires des employés et des parents bénévoles (de toute personne qui va oeuvrer auprès d’un élève) », a précisé Gina Guillemette, porte-parole de la CSMB. « Le processus est strict à ce sujet. » Au moment où ces lignes étaient écrites, d’autres commissions scolaires n’avaient pas répondu aux demandes d’information du Devoir.

https://www.ledevoir.com/societe/education/563162/l-ecole-de-vos-enfants-veut-connaitre-vos-crimes